Archives par mot-clé : indes

Il y a verveine et verveine !

Commençons par la verveine odorante des jardins Verbena hortensis ou verveine hybride dont les fleurs sont groupées en ombelles bombées. Elle est cultivée comme plante annuelle et fleurit à profusion dès la première saison. Les variétés à tiges dressées forment des touffes d’une trentaine de centimètres de haut ; les formes basses à végétation couvrante étalent leurs tiges sur le sol et contribuent à garnir les plate-bandes et les bordures. Les coloris varient du blanc au rose, du rouge au pourpre, du bleu au violet. Cette espèce de verveine a donc une fonction purement décoratrice. Passons à présent à la verveine officinale appelée encore herbe sacrée, herbe aux sorciers, herbe de sang, herbe à tous les maux. Toutes ces dénominations, parfois propres à certaines régions ou à certains pays, ne facilitent pas l’identification des plantes d’où l’usage d’une langue commune universelle pour désigner chaque espèce. Comme chacun sait c’est le latin qui s’est imposé ; ainsi tout jardin botanique accueillant une verveine officinale sera désignée par Verbena officinalis. Sa composition florale la fait ranger dans la famille des Verbenaceae (Voir Planche I). L’aspect général de cette verveine n’incite pas vraiment à la regarder de près. Comme l’a décrite un auteur : c’est une maigre tige rigide, de médiocres feuilles, quelques rameaux grêles et raides, des fleurs petites et inodores, on la croirait un fil de fer ! Cette plante, vivace, très commune dans les champs et les prés secs, est considérée par beaucoup comme une mauvaise herbe ! Dans l’Antiquité romaine on ne se fiait pas aux apparences et la verveine avait été élevée au rang de plante sacrée ; on l’utilisait, certes, pour ses vertus médicinales mais elle servait également aux lustrations et à la purification des autels romains. Les Celtes et les Germains l’employaient dans leurs pratiques de magie et de sorcellerie car c’était une grande guérisseuse. Toute cette gloire est aujourd’hui oubliée car nos infusions de verveine ne sont plus beaucoup faites avec cette espèce, ce que certaines personnes regrettent, mais il est bon de savoir qu’elle soulage les spasmes, augmente la sécrétion lactée, et stimule la digestion (on la trouve encore dans les herboristeries). On utilise plutôt aujourd’hui la verveine odorante, un arbrisseau très cultivé en Algérie et qui pousse bien dans le midi de la France. Cette plante, très parfumée, exhale un arôme citronné quand on froisse ses feuilles ce qui la fait parfois appeler, à tort, citronnelle. Originaire d’Amérique du Sud elle fut introduite en Europe par les Espagnols. Elle peut atteindre 1 mètre de haut et les feuilles, lancéolées, presque sessiles, de couleur vert-pâle, mesurent environ 10 cm de long. Les fleurs sont petites et blanches tirant parfois sur le mauve. Elle possède, même en latin, plusieurs dénominations ; certains la désignent sous le nom de Lippia citriodora, d’autres sous le vocable : Aloysia triphylla ou Verbena triphylla. C’est cette plante qui fournit la « verveine » vendue en pharmacie et en herboristerie (voir planche II). Elle s’utilise en infusions mais elle peut servir à confectionner de délicieuses liqueurs. On en extrait une huile essentielle employée en parfumerie et dans les produits de toilette. Son usage culinaire n’est pas à dédaigner ; ses feuilles, fraîches ou séchées, peuvent servir à aromatiser sauces, marinades et glaces. Son arôme citronné convient particulièrement pour les gâteaux, les entremets et les crèmes. Sur le plan médical elle est fébrifuge, diurétique, antispasmodique, un peu sédative et facilite la digestion ; elle est recommandée également pour les maladies du foie et des reins. Cette espèce appartient aussi à la famille des Verbenaceae. Le mot verveine sert encore à désigner une plante herbacée, peut-être originaire de l’Inde, sous le nom de Verveine des Indes ou Citronnelle. Elle est cultivée en Afrique, en Amérique Centrale et du Sud ; ses feuilles fraîches ou sèches peuvent être utilisées en infusions digestives. On en extrait une huile essentielle aux propriétés analgésiques, anti-inflammatoires et antispasmodiques. Cette espèce appartient à la famille des Poaceae. A cette liste ajoutons la Litsea Cubeba, de la famille des Lauraceae, un arbuste tropical dont les petits fruits n’ont en commun avec le poivre que la forme, d’où le qualificatif de « cubeba » et que l’on appelle plus communément : verveine exotique. Les feuilles et les fleurs de cette plante dégagent une délicate odeur citronnée, évocatrice de fraîcheur. De ses fruits on en tire, par hydrodistillation, une huile essentielle qui a des capacités sédatives, calmantes et anti-inflammatoires avérées. war3.jpg Planches I : Verbena officinalis Planche II : Verbena ou lippia citriodora

Le safran (Crocus sativus, Iridaceae)

Ses usages ne sont pas uniquement condimentaires. Autrefois, Le safran entrait aussi dans la préparation des encres d’enluminure et servait également à teindre les tissus. On a développé, depuis, des teintures synthétiques. Le safran était également utilisé en pharmacie comme antispasmodique, anesthésiant et chez les Arabes comme aphrodisiaque. Pourquoi cette épice est-elle si chère, plus chère même que la truffe, le caviar ou l’or ? Un kilogramme de safran, en effet, peut valoir entre 3000 et 25000 Euros le kilo ! A noter, toutefois, que 0,4 grammes suffisent pour parfumer une paëlla de six personnes. Qu’est-ce qui justifie ce coût ? Le safran est tiré d’une espèce de crocus à pétales violets (Crocus sativus) qui s’épanouit d’octobre à novembre et qui appartient à la famille des Iridacées (Iridaceae en latin). Chaque fleur porte un style grêle divisé dans le haut en trois branches épaisses et rouges appelées stigmates. —– safran_low_leg-2.jpg Fleur de Crocus sativus —— Les stigmates de Crocus sativus constituent le safran officinal et condimentaire, denrée, comme on l’a souligné, de prix exorbitant mais qui s’explique par le fait qu’il faut près de 140 000 fleurs pour obtenir 5 kilos de stigmates qui se réduisent à un kilo quand ils sont séchés au soleil ou sur un feu de bois. La floraison s’étalant sur six semaines, la cueillette est journalière et se pratique sur des sujets à peine épanouis. Selon un article canadien il faut compter, au moment de la récolte, une vingtaine de personnes par hectare, chacune ramassant, en moyenne, 125 grammes de safran par heure (le style se coupe avec l’ongle du pouce sur l’index). Par mètre carré il faut compter 200 fleurs ! On compte aujourd’hui beaucoup de pays producteurs comme l’Inde, l’Iran, le Cachemire (30 à 40 tonnes par an), le Maroc, l’Espagne, la Tunisie. En France le safran est cultivé dans le Quercy, le Gâtinais. Dans le Loiret, à Boynes, on pourra même assister, en automne, à sa récolte dans la campagne environnante et visiter le musée consacré au ramassage et au traitement de cet or rouge ! Vu son prix élevé il existe de nombreux succédanés comme les fleurons (fleurs tubulées) jaune orangé du Carthamus tinctorius. Gare aux mélanges ! Il est donc conseillé d’acheter des stigmates car les poudres sont souvent frelatées. Contrairement à ce que l’on pourrait croire les vêtements des bouddhistes et des sâdhus indiens sont, la plupart du temps, teints en jaune non pas avec les stigmates de Crocus sativus mais avec le rhizome du curcuma appelé aussi safran des Indes. Dans nos contrées, le crocus ne doit pas être confondu avec le colchique d’automne qui fait partie des Colchicacées (Colchicaceae en latin) et est toxique. Il est pourtant facile de les différencier : le colchique possède 6 étamines contre seulement 3 pour le crocus.